Après une dure journée. [Miraïa Felinza et Siarey Nildawë.]

Le silence... Un silence profond où seul l'incessant "tic-tac" de l'horloge se fait entendre. Tic... Un silence oppressant, où tout semble devenir obscur. Tac... Où, si on était en pleine nuit, les ombres s'allongeraient, se déformeraient, prendraient des allures inquiétantes... Mais nous ne sommes pas en pleine nuit. Tic... Oh non, nous sommes en pleine journée. C'est le silence de la solitude. Tac... Un silence créé par les personnes solitaires pour leur bon plaisir. Tic...

L'horloge de l'école ne s'est pas arrêtée. Pas encore. Tac... Mais quand elle sonnera, aucun enfant ne sortira. Tic... Ce silence, c'est le calme. Le calme après la bataille... Tac... Les enfants? Je m'en suis chargée. J'aime bien les voir courir, effrayés, dans les couloirs. Leurs petites voix aiguës qui vrillent les tympans... De quoi me rendre rêveuse. Tic... C'est mignon. Tac... Dring !

La fin de la journée. Je fus la première à sortir. Je fus aussi la seule. Les mères qui attendaient leurs enfants sursautèrent lorsqu'elles me virent sortir. C'était bête. Je n'étais qu'une adolescente à l'air macabre, aux vêtements couverts de sang; sang qui commençait à sécher et me coller à la peau, soit dit en passant; qui souriait comme une folle furieuse échappée d'un asile. Pas de quoi avoir peur. Elles s'écartèrent tout de même sur mon passage.

Ce n'était pas étonnant. Je connaissais ce schéma stupide par coeur. Les femmes me craignaient sans savoir qui j'étais réellement et ce que je savais faire. Les hommes ne voyaient en moi qu'une enfant un peu frapadingue qu'on pouvait maîtriser en moins de deux. Il n'y a que les enfants qui me considèrent comme je souhaite qu'on me considère. Ils me voient un peu comme un croque-mitaine. Et le croque-mitaine est probablement un des pires cauchemars de gosses.

Le comportement des mères me blasait, mais avec le temps, j'avais pris l'habitude... Ce qui me préoccupait, en revanche, c'était tout ce sang enfantin qui me collait à la peau car il séchait. Il fallait absolument que j'aille me laver. Sinon, j'allais devenir complètement folle. Tuer tout le monde est mon moyen de relaxation le plus efficace que j'aie trouvé.

Une source. Une cascade. Une marre, un étang, n'importe quoi. Un truc avec de l'eau et pas de vivants à proximité. Ou alors ils mourraient. Oui, c'était plus drôle s'il y en avait. Mais bon. Avant tout, me laver. Quand j'eus enfin trouvé mon bonheur, j'eus la mauvaise surprise de voir qu'il n'y avait pas de proies dans le secteur.

Je trempais ma main dans l'eau pour voir la température... Elle était bonne. Enfin, froide. J'aimais bien l'eau tellement glacée qu'elle en brûlait la chair, sous la peau... Qu'elle hérissait les poils. Elle était parfaite. J'allais me déshabiller, mais... Je ne sais pas. Un bruissement, un changement d'atmosphère... Quelqu'un.

Et ce quelqu'un, j'espérais qu'il courrait vite, parce que sinon, il allait morfler... Mais vraiment morfler.

- Parler?

J'étais presque tentée de lui faire comprendre que je ne parlais pas sa langue. Elle m'aurait lâché les chaussures, comme ça. Là, j'avais sérieusement autre chose à foutre que de lui expliquer le pourquoi du comment de ma triste mais inévitable chute dans les abîmes de ma folie. En fait, j'avais momentanément oublié mon envie de me laver et j'avais désormais une incroyable envie de lui courir après, et de la découper en petits morceaux à l'aide de sa propre arme... Je me contentais de lui lancer un sourire insolent et de réprimmer ems envies sadiques... Je n'avais jamais vraiment aimé les "détectives privés". Surtout ceux qui réussissent. Ils sont collants... Mais heureusement, j'ai une super technique pour m'en débarasser...

Le scalp est une méthode primitive, utilisée par des barbares d'une autre Terre que l'on nomme plus communément "Indiens". Prononcez bien : "In-diens". Elle consiste à tuer la victime comme on peut ou comme on veut puis de lui trancher le plus proprement possible le cuir chevelu. Un peu comme on tranche les bois chez certaines bêtes. Mais allons bon, j'avais envie de jouer. Avec moi, c'était toujours comme ça. Non seulement je tuais les enfants, mais en plus j'absorbais leur essence de vie... Le joie, leur amour... L'effet ne durait pas longtemps, mais là, j'étais encore plus ou moins sous l'emprise de cette drogue, qui pour moi, était la plus dure.

- Les vampires ne sont pas les seuls à tuer des gosses, ma grande. D'ailleurs, les vampires doivent certainement préférer les adultes. Après tout, les adultes ont plus de sang, et se laissent attraper plus facilement. Un enfant voit des crocs et fuit. Un adulte se dit qu'il a une chance.

Et c'était vrai. En règle générale, un adulte est entre dix et cent fois plus idiot qu'un gamin. Les adultes se croient les maîtres du monde. Et ils le sont. Les enfants s'effraient de pas grand chose et si on leur confiait la charge des Mondes, ils ne tiendraient pas longtemps. Ni les Mondes, ni les Enfants. En tout cas, ce qui était fait était fait.

Ce fut sur cette reflexion de grande blasée de la vie que j'étais que je regardais le couteau, planté devant moi. Oh oui, j'espérais encore qu'elle allait courir vite. C'est toujours plus drôle quand ils courrent. Mais j'étais encore enclin à papoter. Les habitudes sont faites pour changer. Mais pas trop, hein. Je marchais un peu et me penchais pour rammasser sa lame qui gisait dans le sol.

-Tu as perdu ton jouet, je crois.

J'attendais de voir si elle fuyait, ou si elle se ruait sur moi d'un oeil totalement rêveur. Je jonglais beaucoup avec les objets tranchants. Avec mon rasoir, je pouvais faire ça pendant des heures et des heures. Avec sa dague, je me rendais compte que ça ne durerait pas si longtemps car j'allais bien finir par la lui enfoncer dans la gorge.

Une tueuse? Tant mieux, la partie de rigolade s'avèrerait d'autant plus marrante. J'espérais qu'elle savait courir vite. C'est toujours plus drôle quand il faut les poursuivre. Ca passe d'un jeu à une partie de course d'orientation. Surtout pour la victime. Mais en règle générale (pour ne pas dire : en règle constante) je rattrape ma proie et je lui fais sa fête d'une façon encore plus atroce. Mais bon, elle n'avait pas envie qu'on lui courre après, apparement. Elle semblait plus décidée à partir calmement ou se battre contre moi. Et moi, j'avais envie de faire traîner ça encore un peu...

- Qu'est-ce que ça peut vous faire, m'dame, que je tue des mioches?

Elle avait tiré sa dague et semblait attendre que je fasse un mouvement trop brusque pour me sauter dessus. Je me mis à marcher, en rond, autour d'elle, comme si nous étions deux bêtes sauvages... Deux lionnes, deux louves, deux panthères... Deux fauves, en somme. Je pensais fermement qu'elle était morte de trouille. Mais j'avais quand même la lucidité de ne pas baser toute ma terrible et sanglante existence dessus.

- J'ai pas "encore" tué le votre... Après tout.

Mais il y avait quelque chose d'incomplet entre nous. Ah oui, sa dague avec laquelle je jonglais encore. Mais, je n'avais pas envie de la lui rendre. Il faudrait probablement qu'elle me passe sur le corps pour la récupérer. Déjà, elle allait certainement galérer pour le faire, et ensuite, c'était rare que quelqu'un daigne me passer dessus. Je lui lançai un sourire sadique et faisais semblant de lui rendre la lame.

- Ah et euh... Si tu la veux... Viens la chercher!

Vingt-deux, v’là les keufs.

Moi, je n’ai jamais été une grande fanatique des coïncidences. La plupart du temps, elles ne me concernent pas. Je me contente de les voir arriver aux gens et j’essaie d’en profiter comme je peux. Mais parfois, elles me prennent en compte dans leurs paramètres. Cette fois, c’était comme ça. Ce type bizarre qui arrivait, là, comme ça… En plein milieu de notre petite « conversation » à la dame et à moi… Vraiment, je n’ai jamais été une grande fanatique des coïncidences. Je me demandais de quel côté il était…

Il tira sur ma « nouvelle grande amie ». Pour la faire lâcher son arme. Cela me surprit franchement. Pourquoi ? Je ne traînais avec personne et je n’épargnais que très peu de gens… Très étrange comme type. Mais bon, ça faisait longtemps que je n’avais pas essayé de communiquer avec un être vivant. Pour masquer ma surprise, je tentai d’ironiser…

- Et ben, poupée, on dirait que ton arme en intéresse plus d’un…

Mon regard couleur sang restait fixé sur l’homme. Cheveux longs, noirs, corps athlétique (Yannick Noah ?!)… Avec son air franchement ténébreux. Il m’intriguait… J’essayais de voir de quelle espèce il était, ce qu’il foutait là, pourquoi il prenait mon parti… Démon ? Peut-être, mais dans ce cas, il ne faisait pas partie des personnes importantes de cette caste… Hybride ? Je ne les connaissais pas vraiment… J’étais complètement incapable de faire la différence entre une branche de céleri et l’un d’entre eux. Lycan ? Le style « loup-garou » devait être drôle. Vampire ? Il avait intérêt à courir vite…

Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais les vampires m’avaient toujours hérissé le poil. Je les considérais plus comme des « demi-démons » qu’autre chose. Ils n’étaient pas assez sombres pour être des démons, mais pas non plus assez gentils pour être de simples humains… Cette pensée me fit légèrement grincer des dents… Mon réflexe, en entendant ce sinistre grincement, fut de saisir mon rasoir et de l’ouvrir le plus sèchement du monde.

Il grinça. Ce feulement me rassurait à chaque fois. La lame, en s’ouvrant, crissait. Ca me faisait sourire, automatiquement. Sourire, car je voyais que mes proies paniquaient. À chaque fois c’était la même chose. Mais eux, ça m’aurait étonné qu’ils soient aussi impressionnés que les autres humains que je chassais habituellement. Ils m’avaient l’air assez « courageux » pour ne pas se faire dessus en entendant mon arme… C’était déjà ça.

Je pointais mon « sauveur …» du bout de mon arme, faisant attention à ce que la dame ne puisse pas donner de coup dans ma main et donc me piquer mon rasoir. Cette arme était toute ma vie, alors si elle osait y toucher, je ne garantissais pas de pouvoir la laisser partir. Je me voyais même la découper en rondelles avec les dents. ‘Fallait pas déconner non plus.

-Doc’…

Je lui fis un signe de tête pour le saluer. « Doc » c’était le terme que je réservais aux hommes dont je ne connaissais pas le nom, ou alors que je comptais décapiter… Et, là, en plus de ne pas savoir son nom, je voulais lui faire comprendre que son aide avait été la bienvenue. Bien sûr, si j’avais été du genre à le remercier pour un si petit service, qu’en plus je ne lui avais pas demandé de me rendre crois que je n’aurais pas été du genre à massacrer les plus jeunes enfants de l’école elfique…

Je remis mon bras le long de mon corps, gardant mon rasoir fermement dans ma main, protégeant ainsi le seul bien que j’ai jamais possédé. Pour l’histoire, je tiens mon rasoir d’un ami. C’était son arme de prédilection. Avant, j’utilisais mes pouvoirs de flammes et de foudre. Puis, cet ami a été tué (une histoire très glauque). J’ai récupéré son arme, et arrêté d’utiliser mes dons. Depuis, j‘ai perdu mes pouvoirs et j’ai gardé le rasoir.

Je reportais mon attention sur la dame. Avait-elle peur ? Il y avait des chances. On était deux maintenant. Pourtant, elle n’avait pas encore bougé. J’attendais avec impatience le moment où elle partirait en courant et où je pourrais la poursuivre et la massacrer allégrement. Je souriais, encore plus sadique que d’habitude…